10.

 

— Un quoi ?

— Un hymen.

Lededje avait décidé qu’elle avait certaines choses à faire, et elle n’aurait peut-être qu’une nuit à bord du VSG pour s’en occuper. Faire l’amour n’était peut-être pas la plus importante sur sa liste, mais ce n’était pas non plus la moindre.

Le beau jeune homme en face d’elle eut l’air interloqué.

— Comment le saurais-je ?

C’est du moins ce qu’elle crut entendre, tant la musique était forte. Il y avait çà et là des zones qu’on appelait des champs sonores, où la musique s’arrêtait comme par magie. Elle vit le halo bleuté qui signalait la présence d’un de ces cônes de silence quelques mètres plus loin, et elle posa la main – un geste assez osé, pensa-t-elle – sur la manche bouffante du beau jeune homme, à la fois pour l’encourager et l’entraîner dans cette direction.

C’était peut-être sa faute. Elle s’exprimait en marain, la langue de la Culture, et alors qu’il lui semblait étrangement naturel de se lancer dans une tirade, dès qu’elle s’arrêtait pour réfléchir, elle se mettait à bafouiller. Cela lui arrivait aussi parfois au moment de choisir un terme particulier. Le marain semblait truffé d’un tas de mots qui n’étaient pas tout à fait synonymes.

La musique au rythme obsédant – qu’on appelait « Chug », apparemment, sans qu’elle ait encore réussi à déterminer si c’était le titre du morceau, le nom du ou des artistes, ou le style de musique lui-même – s’atténua aussitôt pour ne devenir qu’un murmure. Le beau jeune homme avait toujours l’air étonné.

— Vous semblez perplexe, lui dit-elle. Vous ne pouvez pas simplement consulter votre lacis neural pour trouver le mot ?

— Je n’ai pas de lacis, dit-il en se passant la main sur un côté du visage et dans ses longs cheveux bruns. En fait, je n’ai même pas de terminal sur moi en ce moment. Je suis sorti pour m’amuser.

Il leva les yeux vers ce qui semblait la source du cône de silence, quelque part dans le plafond invisible dans les ténèbres.

— Vaisseau, qu’est-ce que c’est qu’un imam ?

— Un hymen, rectifia-t-elle.

— Un hymen est une fine membrane qui obstrue partiellement le vagin des mammifères, particulièrement chez les humains, répondit le vaisseau dont la voix sortait de l’anneau d’argent qu’elle portait au doigt. On le trouve dans approximativement vingt-huit pour cent des métaespèces panhumaines, et sa présence est souvent considérée comme l’indication que l’individu concerné n’a pas encore été soumis à une pénétration sexuelle. Cependant…

— Merci, dit le beau jeune homme en entourant de ses doigts la bague de Lededje pour faire taire le vaisseau.

Elle sourit quand il retira sa main. Elle trouvait que ce geste avait été très intime. Prometteur. Elle se pencha sur sa bague et demanda à voix basse :

— Est-ce que j’en ai un ?

— Non, répondit la bague. Veuillez me tenir contre une de vos oreilles.

— Excusez-moi, dit Lededje au beau jeune homme.

Il haussa les épaules et but une gorgée de son verre en regardant ailleurs.

— Lededje, c’est Sensia, dit la bague. Le corps que j’ai utilisé ne comportait pas d’organes définis. On lui a dit de devenir femelle au moment où on l’a programmé avec des caractéristiques sichultiennes de base. L’option par défaut est l’absence d’hymen. Pourquoi cette question ? Vous en voulez un ?

Lededje posa la bague contre sa bouche.

— Non ! murmura-t-elle.

Elle fronça les sourcils en voyant le beau jeune homme saluer quelqu’un d’autre en souriant.

Il n’avait pas l’air d’un Sichultien, bien sûr, mais il semblait… différent. Un peu comme elle, elle avait l’air différente. Quand elle avait dressé son plan d’action, quelques heures plus tôt, assise devant l’écran mural de sa chambre après que Sensia l’eut quittée, elle s’était renseignée et avait rapidement trouvé différentes réunions sociales programmées dont les participants, parmi les quelque deux cents millions de passagers, ne ressemblaient pas au Culturien moyen. Dans un vaisseau de cette taille, il y avait forcément beaucoup d’individus qui ne se conformaient pas à la norme de la Culture.

Lededje s’était vite rendu compte que la meilleure façon de s’y retrouver dans le vaisseau était de l’imaginer comme une ville gigantesque, de cinquante kilomètres de long sur vingt kilomètres de large, et d’une hauteur uniforme de un kilomètre, traversée d’un réseau de petits trains ultrarapides et luxueux comportant une seule cabine, et de voitures ascenseurs. Elle était habituée à l’idée selon laquelle les villes attireraient les gens excentriques et bizarres, des gens qui seraient victimes d’ostracisme ou même d’agressions à la campagne ou dans les villages s’ils se comportaient comme ils le désiraient vraiment, mais qui pourraient devenir eux-mêmes en se retrouvant dans une ville au milieu d’autres gens comme eux, mais dans des genres différents. Elle savait qu’il y aurait ici des gens qui la trouveraient attirante.

Il lui restait encore à dénicher ce qu’elle appelait maintenant Le Vaisseau Alternatif, et c’était sa priorité. Cet endroit – Divinité In Extremis – était un mélange de lieu de rencontres, d’espace de spectacle et de bar à drogues.

Il avait une réputation. Quand elle avait commencé à interroger l’écran à ce sujet, Sensia était intervenue. La voix de l’avatar avait soudain remplacé celle plus neutre du vaisseau, à laquelle elle commençait seulement à s’habituer, pour l’informer que ce Divinité In Extremis n’était pas le genre d’endroit où une personne nouvelle dans la Culture voudrait nécessairement se rendre. Lededje s’était retenue d’exprimer son agacement, et elle avait remercié Sensia de son conseil en lui demandant poliment de ne plus l’interrompre.

Donc, Divinité In Extremis. On disait que des avatars de vaisseau venaient ici.

— Vous êtes encore en train de m’interrompre, murmura-t-elle dans sa bague.

Elle fit un sourire au beau jeune homme qui contemplait son verre à présent vide en fronçant les sourcils.

— J’aurais pu faire semblant d’être simplement le vaisseau, répondit la voix de Sensia d’un ton raisonnable et dépourvu d’agacement d’une façon justement très agaçante. J’ai pensé que vous aimeriez avoir plus de détails sur le processus physique qui a conduit à votre incarnation actuelle. Vraiment désolée, ma chère. Si vous craignez qu’on n’ait interféré sexuellement avec votre corps dans sa cuve de croissance, je peux vous assurer que tel n’est pas le cas.

Le beau jeune homme tendit le bras vers un plateau qui passait en flottant. Il y déposa son verre et attrapa un bol de drogue fumant. Il le porta à son visage et inhala profondément.

— Peu importe, dit Lededje. Sensia ?

— Oui ?

— Je vous en prie, laissez-moi, maintenant.

— C’est comme si c’était fait. Mais un dernier conseil quand même. Vous ne croyez pas qu’il est temps de lui demander son nom ?

— Au revoir.

— À plus tard.

Lededje releva les yeux en continuant de sourire. Le beau jeune homme lui tendit son bol de drogue. Elle s’apprêtait à le prendre de la main droite, mais il écarta le bol en lui désignant son autre main. Elle prit donc le bol de la main gauche et le souleva vers son visage avec une légère hésitation.

Le beau jeune homme lui prit la main et enserra de nouveau sa bague. Pendant qu’elle inhalait la fumée odorante, il la lui retira brusquement et la jeta par-dessus son épaule.

— Hé, c’est à moi ! protesta-t-elle.

Elle chercha sa bague des yeux, mais elle avait dû tomber à une dizaine de mètres par-dessus la foule, et personne ne semblait l’avoir récupérée pour la lui rapporter.

— Pourquoi avez-vous fait ça ? demanda-t-elle.

Il haussa les épaules.

— J’en ai eu envie.

— Et vous faites toujours ce dont vous avez envie ?

— Oui, en général, dit-il avec un autre haussement d’épaules.

— Comment vais-je faire pour parler au vaisseau, maintenant ?

Il sembla perplexe. Il inhala un peu de fumée. Elle ne s’était pas aperçue qu’il lui avait repris le bol.

— Vous pourriez crier ? suggéra-t-il. Parler à la cantonade ? Demander à quelqu’un d’autre ? (Il secoua la tête et la regarda d’un air pensif.) Vous n’êtes vraiment pas d’ici, dites-moi ?

Elle réfléchit un instant à la question.

— Non, dit-elle enfin.

Elle n’était pas sûre d’apprécier ce type qui trouvait normal de la brutaliser, de lui prendre quelque chose qui n’était pas à lui et de le jeter comme si ça ne valait rien du tout.

Il s’appelait Admile. Elle lui dit qu’elle s’appelait Led, pensant que Lededje était un peu trop long à prononcer.

— Je cherche un avatar de vaisseau, lui dit-elle.

— Ah, fit-il. Je pensais que… vous savez, que vous étiez en maraude.

— En maraude ?

— Oui, pour le sexe.

— Il y a un peu de ça aussi, reconnut-elle. Enfin, oui, effectivement, mais…

Elle avait failli lui dire que c’était bien ce qu’elle cherchait, mais peut-être pas avec lui, mais à la réflexion, c’était quand même un peu trop brutal.

— Vous voulez faire l’amour avec un avatar de vaisseau ?

— Pas forcément. Les deux recherches sont distinctes.

— Hmm, fit Admile. Suivez-moi.

Elle hésita, mais elle le suivit. Il y avait beaucoup de monde, dans toute une variété de formes dont la plupart étaient panhumaines. Le Chug – finalement, ce devait être le type de musique plutôt que quelque chose de plus spécifique – lui martelait de nouveau les oreilles maintenant qu’ils étaient sortis du cône de silence. Ils étaient obligés de se frayer un passage au milieu des groupes. Des nuages de vapeur odorante formaient un écran de fumée, et elle faillit perdre Admile à deux reprises. Ils passèrent à côté d’un grand cercle dégagé où deux hommes entièrement nus, les chevilles entravées par des cordelettes, boxaient à poings nus, puis un autre où un homme et une femme, portant un simple masque, se battaient avec de longues épées incurvées.

Ils atteignirent une sorte d’alcôve profonde et sombre, où parmi des monceaux de coussins, traversins et autres accessoires rembourrés, une étonnante variété de gens, une vingtaine en tout, se livraient avec enthousiasme à des activités sexuelles. Des spectateurs rassemblés en demi-cercle riaient, applaudissaient, faisaient des commentaires et prodiguaient des conseils. Parmi eux, un couple était en train de se déshabiller, apparemment pour se joindre à la fête.

Lededje n’était pas particulièrement choquée. Elle avait assisté à un certain nombre d’orgies sur Sichult, auxquelles elle avait été obligée de participer. Veppers avait traversé une phase où il aimait ce genre de choses. Elle n’avait pas apprécié l’expérience, mais c’était peut-être plus parce qu’elle n’avait pas le choix qu’à cause de la pléthore de participants. Elle espérait qu’Admile n’allait pas proposer qu’ils se joignent – ou même elle toute seule – aux ébats du groupe. Elle trouvait qu’un cadre plus romantique conviendrait mieux à la première expérience sexuelle de ce corps.

— Le voilà, dit Admile.

Ou c’est du moins ce qu’elle crut entendre. C’était de nouveau très bruyant.

Elle le suivit jusqu’au bout du demi-cercle de voyeurs, où un petit homme obèse était entouré de gens plutôt jeunes dans l’ensemble. Il était vêtu d’une sorte de robe de chambre lustrée ornée de nombreux motifs. Ses cheveux étaient raides et peu fournis, et ses bajoues luisaient de transpiration. C’était sans doute l’homme le plus gras qu’elle ait jamais vu.

Le gros bonhomme ne cessait de lancer une pièce en l’air et de la rattraper. À chaque fois qu’elle retombait dans sa main potelée, une face rouge apparaissait.

— C’est une question d’adresse, rien de plus, répétait-il tandis que les spectateurs criaient autour de lui. De l’adresse, c’est tout. Tenez, ce coup-ci, je vais sortir le vert.

Cette fois, quand la pièce retomba, ce fut le vert qui s’afficha.

— Vous voyez bien ? De l’adresse. Contrôle musculaire et concentration. Une question d’adresse, voilà tout. (Il leva les yeux.) Admile. Dis à ces gens que c’est simplement de l’adresse, tu veux bien ?

— Il y a quelque chose à gagner là-dessus ? demanda Admile. Des paris en cours ?

— Rien du tout ! dit le gros bonhomme en lançant la pièce en l’air.

Rouge.

— Bon, d’accord, fit Admile. C’est juste de l’adresse, dit-il aux spectateurs.

— Vous voyez bien ? dit le gros bonhomme.

Rouge.

— N’empêche, ça n’est pas très juste, ajouta Admile.

— Ah, tu ne m’aides vraiment pas, fit le gros bonhomme.

Encore rouge.

— Led, je te présente Jolicci. C’est un avatar. Tu es bien un avatar, Jolicci, n’est-ce pas. ?

— Je suis bien un avatar. (Rouge.) Du noble vaisseau Voyageur en Pantoufles. (Rouge.) Une UCG plus péripatétique que la moyenne. (Rouge.) De classe Montagne. (Rouge.) Un avatar qui, je le jure. (Rouge.) N’a recours à aucun truc. (Rouge.) Autre que l’adresse musculaire pour que. (Rouge.) Cette pièce soit… (Rouge)… rouge… (Rouge)… chaque… (Rouge)… fois ! (Vert.) Ah, merde !

Les quolibets fusèrent. Il salua les spectateurs – avec ironie, songea Lededje, si une telle chose était possible. Il lança la pièce une dernière fois et la regarda tournoyer dans l’air, puis il écarta la poche qui ornait la poitrine de sa robe de chambre extravagante. La pièce retomba dans la poche. Il en sortit un mouchoir et s’épongea le front tandis que les spectateurs commençaient à se disperser.

— Led, dit-il. Ravi de vous connaître.

Il l’examina de la tête aux pieds. Au début, elle s’était habillée de façon très classique, mais elle avait changé d’avis et opté pour une robe courte sans manches, ayant décidé de jouir pleinement de la liberté de ne pas étaler ses tatouages conçus par Veppers et légalement approuvés. Jolicci secoua la tête.

— Vous ne ressemblez à rien de ce que j’ai stocké là-dedans, dit-il en se tapotant le front. Excusez-moi pendant que je consulte mon compagnon. Ah, vous êtes sichultienne, c’est bien ça ?

— Oui, c’est ça.

— Elle voudrait faire l’amour avec un avatar de vaisseau, dit Admile.

Jolicci eut l’air surpris.

— Ah, vraiment ?

— Non, lui dit-elle. Je suis à la recherche d’un vaisseau de mauvaise réputation.

Jolicci eut l’air encore plus étonné.

— De mauvaise réputation ?

— Oui, je crois.

— Vous croyez ?

Avatar ou pas, pensa-t-elle, il était peut-être de ces gens qui trouvent très spirituel de poser constamment des questions inutiles.

— Est-ce que vous en connaissez un ? demanda-t-elle.

— Beaucoup. Pourquoi voulez-vous un vaisseau de mauvaise réputation ?

— Parce que je crois que le Sens dans la Démence, Esprit parmi la Folie a l’intention de me faire embarquer dans un vaisseau qui sera trop bien élevé.

Jolicci ferma un œil comme si cette réponse l’avait touché avec la force d’un crachat.

Elle était en train d’explorer divers documents et présentations qu’elle avait découverts grâce à l’écran de sa chambre, cherchant ce que la Culture connaissait et pensait de l’Habilitement, quand le vaisseau l’avait rappelée.

— Lededje, je vous ai trouvé un vaisseau, lui avait dit aussitôt la voix neutre.

— Ah, je vous remercie.

Une image s’était superposée à ce qu’elle était en train de regarder, représentant sans doute un vaisseau de la Culture. On aurait dit un gratte-ciel plutôt banal couché sur le côté.

— Il s’appelle le Comme d’Habitude Mais Étymologiquement Insatisfaisant.

— Non, c’est vrai ?

— Ne vous inquiétez pas pour le nom. L’important, c’est qu’il va dans votre direction, et qu’il est d’accord pour vous prendre à son bord. Il part demain en fin d’après-midi.

— Est-ce qu’il m’emmènera jusqu’à Sichult ?

— La plus grande partie du chemin. Il vous déposera à un endroit qui s’appelle Bohme, un complexe portuaire et station de transfert juste en dehors de l’Habilitement proprement dit. Je me chargerai d’organiser le transport terminal pendant que vous serez en route.

— Est-ce qu’il ne me faudra pas un peu d’argent pour payer ça ?

— Je m’en occuperai. Aimeriez-vous parler au vaisseau ? Voir avec lui quand vous embarquerez ?

— D’accord.

Elle avait parlé au Comme d’Habitude Mais Étymologiquement Insatisfaisant. Il avait été très aimable, mais il lui avait paru ennuyeux. Elle l’avait remercié, remercié encore une fois le VSG, puis elle s’était rassise devant l’écran dont le contrôle lui avait été rendu.

Elle avait commencé à chercher des sites concernant les vaisseaux de la Culture. Ils semblaient en nombre infini. Il y avait des millions de vaisseaux, et chacun avait apparemment son blog personnel et son club de fans – souvent plusieurs – et il y avait d’innombrables documents/présentations traitant des classes et des types particuliers, ou de ceux qui avaient été construits par des usines particulières ou encore d’autres vaisseaux. C’était absolument sidérant. Elle comprenait maintenant pourquoi les Culturiens se contentaient d’interroger leur IA ou leur Mental local quand ils cherchaient une information. Essayer de se frayer soi-même un chemin dans ce luxe de détails semblait une tâche insurmontable.

Elle ferait peut-être mieux de poser simplement la question. Cela semblait la façon normale de procéder dans la Culture. Sur Sichult, il fallait faire très attention aux sujets qu’on abordait et à qui on posait des questions, mais pas ici, apparemment. D’un autre côté, on se sentait plus en sécurité en faisant ses recherches soi-même.

Elle avait déjà une assez bonne idée de la méthode pour y parvenir. Ce n’était pas tellement différent de la façon dont l’Habilitement organisait les données qu’il était prêt à partager avec le public, et par ailleurs, elle avait déjà pu s’entraîner quand elle était encore dans l’Environnement Virtuel du vaisseau, avant d’être reventée dans ce corps.

Ici, dans le Réel, en se servant de l’écran, elle savait comment suivre le niveau d’intelligence de la machine à qui elle s’adressait. Une barre située sur le bord de l’écran se modifiait selon qu’elle parlait (ou se contentait de le faire tourner) à un programme totalement stupide, un ensemble d’algorithmes astucieux mais dépourvu d’intelligence, l’un des trois niveaux d’IA ou une entité intelligente extérieure, ou qu’elle était directement reliée à la personnalité principale du VSG. La barre avait atteint son maximum quand Sensia s’était manifestée pour l’avertir au sujet de Divinité In Extremis.

Elle avait demandé à l’IA de premier niveau d’afficher les sites de notation des vaisseaux, et elle en avait rapidement trouvé un, tenu par un petit collectif de fans, qui donnait au Sens dans la Démence, Esprit parmi la Folie et au Moi, Je Compte des évaluations qui lui semblaient objectives. Elle posa la question sur le Comme d’Habitude Mais Étymologiquement Insatisfaisant. Rasoir, obéissant. Bien élevé. Nourrissant peut-être l’ambition d’être choisi pour des missions plus exotiques, mais s’il croyait pouvoir intégrer un jour CS, il se faisait des illusions.

Elle ne savait pas très bien ce que c’était que ce CS – elle y reviendrait peut-être plus tard.

Elle avait affiché la liste de tous les vaisseaux actuellement à bord du VSG. C’était stupéfiant. Il y en avait près de dix mille nommés en ce moment, y compris deux d’une classe de VSG un peu plus petite qui contenaient eux-mêmes d’autres vaisseaux. Le nombre exact changeait sous ses yeux, avec les derniers chiffres qui montaient et descendaient, sans doute en fonction des départs et des arrivées en temps réel. Quatre VSG en construction. Taux d’Occupation des Baies inférieur à 50 %.

Elle partait toujours du principe qu’elle était sous surveillance, et elle avait remarqué que plus la question qu’elle posait était compliquée, plus la barre d’intelligence approchait du niveau de la personnalité du vaisseau. Comme elle tenait à éviter ça, au lieu de demander simplement : « Quels sont les vaisseaux voyous ? », elle avait trouvé des raccourcis qui lui permettaient de trier les vaisseaux actuellement à bord en fonction des doutes formulés sur leur réputation.

Quelques-uns de ces vaisseaux avaient travaillé, ou étaient associés de façon plausible, avec ce qu’on appelait Circonstances Spéciales. Elle avait remarqué qu’ils ne publiaient pas leur journal de bord ni leurs itinéraires. Encore CS. Elle ne savait toujours pas ce que c’était, mais ça semblait étroitement lié au genre de caractéristiques qu’elle recherchait.

Elle avait regardé Circonstances Spéciales. Renseignement militaire, espionnage, ingérence profonde, coups tordus. Ça semblait prometteur. Apparemment, CS intéressait presque autant de gens – dont beaucoup étaient très critiques – que tous les vaisseaux réunis. Elle avait regardé un peu plus en détail les sites anti-CS. Extrêmement critiques. Quelqu’un qui aurait exprimé ce genre d’opinion sur une organisation similaire de l’Habilitement aurait rapidement reçu une petite visite, et on n’en aurait plus jamais entendu parler.

Aucun des quelques vaisseaux auxquels elle aurait voulu parler n’était disponible dans l’immédiat. Elle avait trouvé comment leur laisser un message, et c’est ce qu’elle avait fait.

— Là, sur votre gauche. Encore un peu plus à gauche. Tout droit sur à peu près cinq mètres, dit une voix neutre qui se rapprochait rapidement. Voilà, c’est elle qui parle à ce gentleman rondouillet.

Lededje se retourna et vit une dame qui s’avançait rapidement vers elle d’un air furieux, tenant dans la main un petit objet en argent.

— Cette chose, dit la femme en brandissant la bague sous le nez de Lededje, refuse de se taire. Même dans un cône de silence.

— C’est bien elle, dit calmement la bague.

Admile agita la main pour écarter les fumées de drogue et examina la bague avant de se tourner vers Lededje.

— Tu veux que je la jette un peu plus loin ?

— Non, ce n’est pas la peine, dit Lededje en prenant la bague. Je vous rem… commença-t-elle à dire.

Mais la femme s’éloignait déjà.

— Rebonjour, dit la voix neutre du vaisseau.

— Hello.

— J’irais bien faire un peu de body surf, déclara Jolicci. Quelqu’un veut faire du body surf avec moi ?

Admile secoua la tête.

— Super, dit Lededje en remettant la bague à son doigt. À tout à l’heure, peut-être.

 

Le body surf consistait à se déshabiller presque entièrement et à se jeter dans une sorte d’immense cascade inversée. On se mettait sur le dos, sur le ventre, sur les fesses, ou encore debout les pieds joints si on était particulièrement habile. Tout cela se passait dans une immense salle à moitié plongée dans la pénombre, remplie de cris et de rires. Une galerie de bars et d’espaces de fête surplombait la scène. Certains pratiquaient ce sport entièrement nus, d’autres en maillot de bain. Jolicci avait choisi un caleçon tellement serré qu’on en avait mal pour lui. Il était particulièrement mauvais à ce sport. Il avait du mal à garder le contrôle, même allongé sur le dos avec les bras et les jambes écartés.

Lededje se débrouillait très bien, à condition de ne pas essayer de se tenir debout. Elle glissait sur les fesses en laissant un sillage bien net, tenant une cheville de Jolicci pour l’empêcher de tournoyer comme une toupie, mais aussi pour qu’ils puissent se parler.

— Vous voulez donc vous rendre dans un endroit que vous ne voulez pas me dire, pour des raisons que vous voulez garder secrètes, mais vous ne voulez pas y aller dans le vaisseau que le VSG vous a proposé.

— En gros, dit-elle, c’est bien ça. J’aimerais aussi parler aux vaisseaux qui ont ou qui ont eu des liens avec Circonstances Spéciales.

— Non, vraiment ? dit Jolicci qui se mit à se balancer. Vous êtes sûre ? (Il s’essuya le visage d’une main et commença à osciller. Il reposa la main sur l’eau pour se stabiliser.) Je veux dire, vraiment sûre ?

— Oui. Vous ne seriez pas l’avatar d’un de ces vaisseaux, par hasard ?

Il avait dit qu’il était l’avatar du Voyageur En Pantoufles, un nom qu’elle ne reconnaissait pas, mais si ça se trouvait, ces vaisseaux changeaient parfois de nom ou en avaient plusieurs qu’ils utilisaient au gré de leur fantaisie.

— Non, répondit-il. Je ne suis qu’une Humble Unité de Contact Générale, qui s’occupe strictement des affaires de Contact, je vous le jure. Rien à voir avec CS. (Il la regarda en plissant les yeux d’un air perplexe – mais c’était peut-être simplement à cause de l’eau.) Vous êtes sûre que vous voulez parler à CS ?

— Oui.

Ils se mirent à pivoter lentement, pris dans un courant local. Jolicci avait l’air pensif, puis il fit signe vers le côté.

— On dirait que je suis dépourvu de talent pour ce sport. Ça suffit comme ça. Allons essayer une autre sorte de surf.

 

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

Ils se trouvaient dans un petit couloir assez large, avec une épaisse moquette. Un des murs était ponctué d’une série de cinq doubles portes métalliques. Jolicci – qui avait remis son extravagante robe de chambre – avait réussi à écarter les battants de la porte centrale et y avait glissé le bout d’une pantoufle pour les empêcher de se refermer. Par l’entrebâillement, Lededje vit une sorte de puits sombre rempli de câbles verticaux et de barres latérales. Elle entendit des grondements sourds et sentit un courant d’air sur son visage, chargé d’une odeur d’huile vaguement familière.

Ils avaient été transportés ici par le tube magique habituel, avec une seule minute de marche à pied à chaque bout. Ce qu’elle voyait maintenant était d’une technologie beaucoup plus ancienne et primitive.

— C’est une reconstitution de cage d’ascenseur dans un grand bâtiment, expliqua-t-il. Vous ne connaissez pas ?

— Nous avons des gratte-ciel, dit-elle en se tenant à un battant pour se pencher en avant. Et des ascenseurs.

Elle aperçut le toit crasseux d’une cabine, un mètre au-dessous d’elle, ce qui était plutôt rassurant. En levant les yeux, elle vit les câbles qui disparaissaient dans les ténèbres.

— C’est juste que je n’ai jamais vu l’intérieur d’une cage d’ascenseur. Sauf à l’écran, sans doute. Et puis, il n’y a en général qu’une seule cage, vous savez, pour une seule cabine.

— Hmm, fit Jolicci. Allez-y, sautez. Je relâcherai les portes. Mais faites attention, il n’y a pas de filet de sécurité.

Elle sauta sur le toit de la cabine. Jolicci la rejoignit en faisant trembler la plaque métallique sous son poids. Les portes se refermèrent au-dessus d’eux en sifflant et la cabine commença aussitôt à monter. En se tenant à l’un des câbles – couvert de graisse poisseuse –, Lededje jeta un coup d’œil par-dessus le bord. L’immense puits était assez large pour contenir dix ascenseurs, cinq de chaque côté. La cabine accéléra et Lededje sentit ses cheveux voler dans le vent, qui faisait également flotter la robe de chambre de Jolicci. Elle se pencha un peu plus tandis que défilaient sous ses yeux des séries de doubles portes, trop vite pour qu’elle puisse les compter. Le fond du puits se perdait dans les ténèbres.

Une main l’agrippa par l’épaule pour la tirer en arrière.

Elle poussa un cri en heurtant le corps étonnamment solide de Jolicci. Un instant plus tard, une masse sombre plongea devant elle dans un tourbillon d’air. Elle avait manqué de peu d’être décapitée par une cabine qui descendait rapidement. Jolicci relâcha sa prise.

— Comme je vous l’ai dit, pas de filet de sécurité. C’est une reconstitution d’une fidélité très dangereuse. Il n’y a pas de capteurs sur les cabines pour les empêcher de vous percuter ou de vous écraser, pas d’antigrav au fond du puits pour vous rattraper. Personne qui puisse vous voir tomber, et encore moins vous sauver. Vous êtes sauvegardée ?

Elle s’aperçut qu’elle tremblait légèrement.

— Vous voulez dire mon, heu, moi-même ? Ma personnalité ? (Il la regardait sans répondre. C’était aussi bien qu’il fasse très sombre, parce qu’elle aurait eu du mal à interpréter son expression.) Ça ne fait qu’un jour que je suis sortie de… d’un bocal, d’une cuve. (Elle ravala sa salive.) Mais enfin, non, pas de sauvegarde.

Leur cabine commençait à ralentir. Jolicci leva la tête.

— Bon, c’est là que ça devient amusant. (Il se tourna vers Lededje.) Vous êtes prête ?

— Prête pour quoi ?

— Venez par ici. Sautez quand je vous le dirai. Sans hésiter une seconde. Il faut d’abord que vous lâchiez ce câble.

Elle obéit et vint le rejoindre de l’autre côté du toit. En levant les yeux, elle aperçut le plancher d’une autre cabine qui descendait rapidement vers eux. Elle entendit tout à coup des cris et des rires dans les profondeurs des ténèbres. Leur cabine ralentissait toujours.

— Bon, doucement, là, doucement… dit Jolicci tandis qu’ils s’approchaient de la cabine au-dessus d’eux.

— Est-ce que je ne devrais pas vous tenir la main ? demanda Lededje.

— Surtout pas, répondit-il. O.K., O.K., on y est presque…

Leur cabine était presque arrêtée. L’autre passa à côté en sifflant.

— Allez-y ! cria Jolicci lorsque les deux toits furent pratiquement au même niveau.

Il sauta, et elle le suivit un instant plus tard, mais en s’attendant à atterrir là où le toit était au moment de sauter, et non pas là où il serait quand elle l’atteindrait… Elle se reçut assez mal et serait tombée contre les câbles si Jolicci ne l’avait pas retenue. Elle eut le souffle coupé.

Elle se tint contre le gros avatar le temps qu’ils recouvrent tous deux leur équilibre. La cabine d’où ils avaient sauté s’était arrêtée quelques étages plus haut, et s’éloignait rapidement tandis que leur cabine poursuivait sa descente. Elle aussi commençait à ralentir.

— Wouah ! fit Lededje en relâchant Jolicci. (Ses doigts avaient laissé de longues traînées de graisse sur les revers de sa robe de chambre.) C’était vraiment… très excitant ! (Elle le regarda d’un air interrogateur.) Vous faites ça souvent ?

— C’était la première fois. J’en avais seulement entendu parler.

Elle fut un peu secouée par cette réponse. Elle s’était crue en sécurité, entre les mains d’un expert. La cabine s’arrêta. Lededje entendit les portes s’ouvrir et une barre de lumière filtra par ce côté de la cabine, éclairant le visage de Jolicci. Il la regardait d’un air bizarre, et elle sentit un petit frisson de peur.

— Pour en revenir à cette histoire de CS… dit-il.

— Oui ? fit-elle tandis qu’il se rapprochait d’un pas.

Elle recula et buta contre une barre du toit de la cabine. Il la saisit de nouveau et la tira vers le bord le plus éloigné. En contrebas, elle vit une autre cabine monter rapidement vers eux. Elle faisait partie de l’autre rangée de cinq cabines, séparée par un vide de deux mètres, trois ou quatre fois plus que celui entre les cabines situées d’un même côté.

Jolicci lui indiqua la cabine qui s’approchait.

— Vous croyez qu’on arrivera à sauter sur celle-là ? lui chuchota-t-il à l’oreille. (Elle sentit la chaleur de son haleine.) Souvenez-vous, pas de filet de sécurité. Même pas de système de surveillance. (Il l’entraîna encore un peu plus près du bord.) Alors, qu’est-ce que vous en dites ? Vous croyez qu’on peut ?

— Non, répondit-elle. Et je crois que vous devriez me lâcher.

Avant qu’elle n’ait pu esquisser un geste de défense, il la saisit brutalement par le coude et la fit basculer au-dessus du vide.

— Vous voulez toujours que je vous lâche ?

— Non ! cria-t-elle en l’agrippant par le bras. Ne soyez pas bête ! Bien sûr que non !

Il l’attira vers lui, mais elle n’était pas encore hors de danger.

— Si vous aviez un terminal, dit-il, il vous entendrait crier si vous tombiez. (Il jeta un coup d’œil dans le vide.) Le vaisseau aurait peut-être juste le temps de comprendre ce qui se passe et de vous envoyer un drone pour vous rattraper avant que vous ne vous écrasiez en bas.

— Je vous en supplie, arrêtez, vous me faites peur.

Il l’attira à lui, et elle sentit son haleine sur son visage.

— Tout le monde trouve CS tellement prestigieux, tellement… sexy ! (Il la secoua et se frotta l’entrejambe contre sa cuisse.) Plein d’excitation et de dangers, mais pas trop dangereux quand même. C’est ça que vous croyez ? Vous avez entendu les rumeurs, absorbé la propagande ? Vous avez lu les bonnes évaluations, écouté ceux qui se proclament des experts, c’est ça ?

— J’essaie juste d’en savoir plus.

— Vous avez peur ? lui demanda-t-il.

— Je viens de vous dire…

Il secoua la tête.

— Il n’y a rien de dangereux, là, dit-il en la secouant encore une fois. Je ne suis pas dangereux. Je suis juste un bon gros avatar d’UCG. Jamais je ne jetterais quelqu’un dans une cage d’ascenseur pour qu’il aille s’écraser au sol. Je fais partie des gentils. Et pourtant, vous avez encore peur, n’est-ce pas ? Vous avez peur, dites-moi ? J’espère bien que vous avez peur.

— Je vous l’ai déjà dit, répondit-elle froidement en le regardant droit dans les yeux.

Il sourit et l’attira vers lui pour la mettre en sécurité. Il la lâcha et saisit un des câbles tandis que la cabine reprenait sa descente.

— Et moi, comme je vous l’ai dit, Mlle Y’breq, je suis un des gentils.

Elle s’agrippa à un autre câble.

— Je ne vous ai jamais dit mon nom entier.

— Bien vu. Mais sérieusement, je suis un gentil. Je suis le genre de vaisseau qui fera toujours le maximum pour sauver les gens, pas les tuer ni les laisser se faire tuer. CS – ses vaisseaux, ses membres – ont beau être du côté des anges, ce n’est pas pour autant qu’ils se comportent gentiment. En fait, quand vous tomberez dans l’équivalent symbolique d’une cage d’ascenseur, je peux vous assurer virtuellement que vous aurez l’impression que ce sont eux, les méchants, quelle que soit la qualité de l’algèbre morale qui les aura conduits à vous jeter dedans.

— Je crois que vous vous êtes clairement fait comprendre, monsieur, lui dit-elle d’un ton glacial. Et maintenant, nous pourrions peut-être laisser ce passe-temps de côté.

Il la regarda encore un long moment avant de secouer la tête et de détourner les yeux.

— Ma foi, vous me semblez solide, dit-il. Mais vous êtes quand même une idiote. (Il poussa un profond soupir. L’ascenseur s’était presque arrêté.) Je vais donc vous conduire à un vaisseau de CS. (Il eut un sourire parfaitement dénué d’humour.) Quand toute cette affaire tournera horriblement mal, sentez-vous libre de me le reprocher, si vous le pouvez encore. Ça ne fera aucune différence.

 

— Les Oubliés, dit le Bodhisattva à Yime Nsokyi. Également connus sous le nom d’Oubliettionnaires.

Yime était parfois bien obligée de reconnaître qu’un lacis neural pouvait être utile. Si elle en avait eu un, elle aurait pu l’interroger, lui demander des références, des définitions. Qu’est-ce que ça pouvait bien être qu’un Oubliettionnaire ? Bien sûr, le vaisseau saurait qu’elle posait ces questions – comme elle n’était plus sur l’Orbitale, les communications avec un lacis ou un terminal passaient forcément par le Mental du Bodhisattva ou l’un de ses sous-systèmes –, mais au moins, avec un lacis neural, les informations vous rentraient d’un coup dans le cerveau au lieu de vous être distillées au compte-gouttes.

La Culture -09- Les Enfers Virtuels
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